De Daum Nancy, en passant par le cristal Daum d’après-guerre, aux exquises créations en pâte-de-verre d’aujourd’hui, Daum est devenu une légende du verre.
Mais contrairement à d’autres familles de verriers comme Schneider ou Legras, fondateur de Daum, Jean Daum n’avait aucune expérience du verre. En fait, il est plus ou moins tombé dans l’entreprise.
Avocat de profession, il s’installe en Lorraine pour rester français après la cession de l’Alsace à l’Allemagne en 1870. Il fit un prêt commercial à une verrerie locale en difficulté, la Verrerie Sainte-Catherine. Quand il est devenu clair que l’usine était sur le point de faire faillite, il a vu deux choix : prendre le coup… ou acheter l’entreprise et faire un aller de lui-même.
Inévitablement, les premières années sont difficiles. Le tournant vient après que les fils de Jean, Auguste et Antonin Daum (photo, au centre) se soient jetés dans l’entreprise. Auguste a peu à peu maîtrisé les coûts de production.
Pendant ce temps, Antonin (1864-1930), un ingénieur par discipline, s’avère avoir un flair naturel pour le design. Il a également un modèle imposant à Émile Gallé, puis au sommet de sa renommée après que son verre « marqueterie » est acclamé à l’Exposition Universelle de Paris 1878.
Au cours des 20 années suivantes, Antonin Daum développe un vaste catalogue de dessins Art Nouveau, déployant des techniques toujours plus complexes. Il s’agisse de vases camées multicouches, de paysages émaillés et d’ornements en verre appliqués en forme de scarabées ou de libellules.
La sculpture en pâte de verre entre également dans l’inventaire, utilisant des méthodes de moulage à la cire perdue, perfectionnées par Amalric Walter à Daum.
Le succès est couronné en 1900, lorsque Daum et Gallé partagent le Grand Prix à l’Exposition universelle de Paris.
Antonin Daum est l’un des fondateurs de l’École de Nancy, groupe d’artisanat dirigé par Émile Gallé.
Le berluze – un vase avec le ventre arrondi et un long cou mince – était également une spécialité de Daum. Les berluze sont de toutes tailles, de la miniature à la monumentale.
Dans les années 1960, la forme est revisitée et donne littéralement un ‘twist’ moderne.
À la fin du spectre plus abordable étaient Daum’s Art Nouveau ‘jade’ vases. Ils sont en verre moulé, avec des formes qui rappellent un monde de poterie japonaise.
En 1925, tous les regards se tournent vers Paris et l’Exposition des Arts Décoratifs. Sortent les lignes fluides et organiques et les teintes complexes de l’Art Nouveau. Des lignes droites, des couleurs vives et des surfaces contrastées apparaissent.
Indissociable du mouvement Art Nouveau, il en résulte ce qu’un de mes amis appelle le verre de servitude, verre soufflé en fer forgé gracieuseté de Louis Majorelle.
Pour Daum, les années Déco sont une période d’expansion et de diversification. La société expérimente des marques alternatives, telles que « Lorrain », « Moda » ou « Croismare », l’emplacement de l’usine Belle-Étoile nouvellement acquise. Il développe une nouvelle gamme de verre lourd en cristal coloré qui répond aux goûts modernes. Pour contribuer à sceller son succès, il recrute Pierre d’Avesn comme designer.
Le sommet de la décennie est atteint en 1935 avec un contrat de 9000 pièces de verre et de cristal pour le paquebot transatlantique de luxe Normandie.
Cependant, c’est le chant du cygne pour les œuvres de Croismare, dont la fermeture est prévue depuis la Grande Dépression.
Les années 1950 apportent des opportunités et un grand mal de tête – une pénurie de pigments de couleur. Michel Daum, le petit-fils d’Auguste, répond en changeant la production en cristal clair et étincelant avec un contenu de plomb très élevé. Nouvelle ère nouveau nom Daum Nancy a été remplacée par Daum France.
Des lampes et des bols sont tirés, étirés et co-axés en formes abstraites voluptueuses qui semblent immaculées dans des maisons minimalistes (en fait, elles le sont encore !)
Les pièces plus avant-gardistes apparaissent dans des magazines chics, photographiées à la perfection par Pierre Jahan.
Du cristal à la pâte-de-cristal
Jacques Daum a pris la relève dans les années 1960, le dernier de la famille à le faire. Il rehausse le prestige de Daum en s’associant à des artistes célèbres, à commencer par Salvador Dali et César.
Les dessins brutalistes de Daum à la fin des années 60 et 70 sont aussi tranchants et modernes qu’en 1969.
Cependant, la décision la plus importante de Jacques Daum fut de revenir à la pâte-de-verre, ce procédé spécial mis au point par Amalric Walter plus d’un demi-siècle plus tôt. Cet art incroyablement exigeant en main-d’œuvre consiste à mouler de la cire perdue et à vitrifier des grains grossiers de 30 % de cristal de plomb à une chaleur de 900 pendant 20 jours.
Daum s’est spécialisé dans cet art et son savoir-faire est inégalé partout de par le monde… une légende française. L’avocat d’Alsace aurait été fier.