Jean de Lespinasse – de l’industriel au désirable
La céramique Jean de Lespinasse a quelque chose de très moderne. Des lignes épurées et sobres, des couleurs intenses. Des motifs épurés et linéaires. La taille est également un facteur, car le studio a souvent fait le genre de grandes pièces autonomes qui respirent la présence partout où ils vont.
Aujourd’hui, la poterie Jean de Lespinasse est recherchée par des collectionneurs privés et des décorateurs d’intérieur – tout un retournement pour un studio discret du milieu du siècle considéré à son époque comme « industriel ».
Peu après la Seconde Guerre mondiale, Jean de Lespinasse et son épouse, Simone, ouvrent une entreprise artisanale à Nice pour fabriquer des bougies. De Lespinasse est alors dans la quarantaine ; on croit que le couple s’est rencontré dans la Résistance. Quelqu’un a suggéré qu’ils fabriquent des bougeoirs, et c’est probablement cette remarque occasionnelle qui les a conduits à la poterie.
De Lespinasse, les premières années
Au début, ils achètent des ébauches de poterie et les décorent. Les premiers vases libres sont audacieusement rayés de jaune et de noir. Cependant une chose en amenant une autre, au milieu des années 1950 l’atelier transforme sa propre poterie et forge son propre style.
Une affaire de famille
Comme beaucoup d’entreprises françaises d’après-guerre, le studio est dirigé par des familles. Jean Saguès, fils de Simone d’un précédent mariage, transforme la poterie en moules. Quand il s’agit de retirer et de terminer les grands moulages de plâtre, tout l’équipe met la main à la pâte. Sylvie Fournier, la belle-fille du couple, applique son talent et sa formation artistique à la décoration, en particulier les motifs graffites gravés à la main avec un clou.
Employant une douzaine de personnes à son apogée, le studio est discret et entreprenant sous le nom sans prétention de SOCFRA (une contraction de la « Société Française »). Jean de Lespinasse n’a pas de magasin dédié. Chaque année, l’atelier expose ses produits lors de foires commerciales et d’arts décoratifs à Lyon et à Paris. Des carnets de commandes remplis et des caisses en bois remplies de poteries sont expédiés aux clients en Corse et en train aux quatre coins de la France. Parfois, les hôtels commandent des frises ou des décors spéciaux. Et de mai à octobre, le public peut acheter directement dans les magasins loués à Saint Paul de Vence, Saint Maxime et, pour un bref moment, Vallauris.
Jean de Lespinasse et Vallauris
La boutique de Vallauris est une expérience qui ne dure que deux saisons, mais cette brève présence explique pourquoi Jean de Lespinasse est parfois mentionné comme un potier « Vallauris ».
Cependant, il ne se déplace pas dans les mêmes cercles que Roger Capron, Jean Derval, Robert Picault ou les autres designers célèbres associés à la renaissance de la céramique. Au contraire, dans la hiérarchie de facto de l’époque, Jean de Lespinasse est considéré comme un fabricant plutôt que comme un « créateur ». Il est donc ironique que certaines de ces pièces « industrielles » soient devenues des classiques du design.
La ligne de Lespinasse
Aujourd’hui, une gamme de pièces en forme libre des années 1950 figurent parmi les articles les plus recherchés. Osées en noir avec décor incisé, elles révèlent des éclats de rouge ou jaune primaire à l’intérieur. Dans les années 1960, le studio donne plus libre cours à la couleur, avec des rouges brillants ou oranges, certains gravés dans un effet tout-poisson.
Les pièces semi-mates sont en bandes graduées de brun terreux, gris sourd ou frais, bleu méditerranéen.
Le décor polychrome peut être abstrait ou figuratif – des filles aux yeux foncés, des bêtes fantastiques, des guerriers anciens avec une chaîne de courrier sgraffito. Souvent, elle se limite à un seul motif frappant.
En 30 ans d’existence, Jean de Lespinasse créé quelque part autour de 300 modèles originaux, hors variations. Pour un petit studio, cela signifie de courtes séries et un volume de production relativement faible. Le résultat ? Une demande qui ne cesse de croître, et un grand bassin de pièces désirables… mais il faut d’abord les trouver !