Pourquoi les amateurs de poterie ne résistent pas à La Puisaye
Nous sommes allés faire de la poterie dans une ville célèbre pour sa tradition en grès vieux de 500 ans et pour avoir suscité un renouveau de la céramique française.
Saint-Amand-en-Puisaye est l’une de ces charmantes villes bourguignonnes entourées d’une campagne vallonnée, où des châteaux surgissent sur chaque haie.
Il y a environ 350 ans, la fabrication de poterie domestique prend vraiment son envol à La Puisaye. A l’époque, la France est un pays de paysans et conserver et stocker les aliments est une partie essentielle de la vie quotidienne. Des pots confits, des cruches, des bonbonnes, des toules, des chevrettes, des gargoulettes, des jattes, des gourdes, des pichets… tout ça est tourné et tiré ici.
Au plus fort de l’activité, le grès de Puisaye est utilisé dans les maisons et les fermes de la Loire à Paris, et même jusqu’à Québec et en Louisiane. Mais dans les années 1850, la demande chute de façon spectaculaire, les consommateurs abandonne la poterie rustique pour des produits semi-industriels…
Visite de l’ancienne usine Gaubier Puisaye
Quelques poteries familiales se maintiennent. Gaubier est l’une d’entre elles. Elle survie en fabriquant une gamme de poteries souvenirs, souvent confondue avec Vallauris. Lorsque l’entreprise ferme – dans les années 1960 – l’atelier reste tel quel.
Dans l’atelier, on peut voir où l’argile est piétinée pour enlever les impuretés et la rendre malléable. À proximité, les lanceurs produisent tout, des bidons de litres aux bonbonnes*, si gros qu’il faut les fabriquer en deux parties puis les assembler.
* grands bocaux pour le stockage de l’huile ou du vin
Un anachronisme enveloppé dans une capsule temporelle
Dans la réserve, des pots attendent d’être vitrés ou cuits. Notre guide nous montre comment les femmes transforment habilement les saucisses d’argile grasse en poignées effilées. Nous nous tenons à l’intérieur de l’énorme four, où les lots de pots ont mis une semaine à feu avant d’être expédiés le long de la Loire ou par le canal.
Le toit voûté est parsemé de stalactites artificielles. Lorsqu’elles dégoulinaient, elles laissent des traînées de caramel et des brûlures connues sous le nom de « larmes de potiers ».
Pour les connaisseurs, ces caractéristiques ajoutent à la beauté unique des pots. Il me semble que l’usine Gaubier n’est pas seulement une capsule temporelle – c’est un anachronisme enveloppé dans une capsule temporelle.
C’est parce que les techniques exposées ici ont été transmises de génération en génération et n’ont guère changé en 300 ans.
Jean Carriès redonne vie à La Puisaye
Le sculpteur remarquable vient ici pour expérimenter le grès. L’arrivée de Jean Carriès en 1888 redonne vie à La Puisaye. Pour Carriès, la « peau » était la chose – il est obsédé par la patine dans sa poterie comme dans ses bronzes. Il esr fortement attiré par les formes et les glaçures de la poterie japonaise récemment vu pour la première fois en France. Lié au mouvement symboliste, il a un flair pour le grotesque. Avec tant d’influences, Carriès est pratiquement impossible à pigeonner. Une chose est claire – sa céramique fait non seulement sensation dans leur journée, mais également revitalise l’art de la poterie en grès.
L’École de Carriès
Quand Carriès meure subitement de pleurésie à 39 ans, une nouvelle génération de céramistes vient à La Puisaye pour poursuivre ce qu’il a commencé. Parmi les plus talentueux et innovateurs se trouvent Paul Cyprien Jeanneney, Eugène Lion, Nils de Barck et Jean Pointu. Ils sont suivis à leur tour par Léon Pointu et Jean-Marie Maure et une foule d’autres. Aujourd’hui, La Puisaye a encore une forte ambiance créative, attirant des potiers d’art de France et d’ailleurs.
Un château de poterie
Pour les amateurs de poterie en grès, le musée du Grès de la ville – dans un château, où d’autre ? – est un paradis. Des salles entières sont consacrées à Carriès et aux artistes qui l’ont suivi, tandis que le dernier étage présente de la poterie d’art contemporain de La Puisaye.
Et, joie des joies, il y a aussi beaucoup de marmites confites merveilleusement anciennes, cruches, toules, chevrettes, gargoulettes, bonbonnes, jattes, gourdes et pichets…