Le verre Charles Schneider – un luxe moderne pour le XXe siècle
Dans les années 1970, on pouvait prendre le sublime verre de Charles Schneider pour une chanson dans les Puces de Paris. Mais c’était alors que les collectionneurs n’avaient d’yeux que pour Gallé et Lalique. Aujourd’hui, la réputation de Charles Schneider a été restaurée, comme l’un des verriers français les plus innovants du XXè siècle.
Un enfant de l’École de Nancy
Charles Schneider grandit dans l’atmosphère dynamique de l’École de Nancy, dont Antonin Daum est le fondateur. À l’âge de 16 ans, on l’a emmené s’entraîner à l’école interne de la Maison Daum. Il se distingue rapidement par son talent artistique, à tel point que Daum le parraine pour étudier aux prestigieux Beaux-Arts de Paris. Apparemment, il s’est épanoui là-bas, si cette photographie de 1905 de lui et ses camarades de classe est quelque chose à passer !
La verrerie Schneider
L’arrivée de Paul Daum a apporté des changements radicaux à l’usine de Daum. Ernest, le frère aîné de Charles, qui travaillait au service des ventes, fut le premier à perdre son emploi et, en 1913, Charles fut lui aussi mis à pied. Les frères décidèrent que le moment était venu de lancer leur propre verrerie, la verrerie Schneider. Avec la poignée de main dorée d’Ernest, ils ont acheté une usine de verre désaffectée à Épinay-sur-Seine. Avec l’imagination de Charles et le sens aigu des affaires d’Ernest, qu’est-ce qui pourrait les arrêter… à part la Première Guerre mondiale ? Les frères ont été appelés en 1914, puis libérés pour commencer à produire du verre médical pour l’effort de guerre. Mais en 1920, l’usine faisait ce qu’elle avait l’intention de faire : fabriquer du verre d’art à partir de dessins originaux de Charles Schneider. Le succès est vite arrivé.
Fidèle à l’esprit de Gallé
Les premiers dessins de Schneider imitaient ceux d’Émile Gallé, avec des motifs naturalistes Art Nouveau gravés à la roue dans du verre cameo. Mais il a également forgé un style Schneider distinct. Un exemple est la série miniature Bijou, influencée par le verre d’art vénitien, avec des tiges de verre violet-noir ou latticino. Schneider a dessiné sur une palette environ 50 couleurs, les utilisant dans des combinaisons subtiles et poudreuses, ou dans des contrastes forts en utilisant des superpositions.
Schneider à la pointe de l’Art déco
Le verre Schneider est vendu dans des boutiques haut de gamme telles que Primavéra et La Maîtrise, ainsi que dans les deux salles d’exposition de l’entreprise sur la célèbre rue de Paradis à Paris.
Viennent l’Exposition des Arts Déco de Paris en 1925, et les commandes commencent à affluer d’Amérique. L’usine a dû être agrandie pour accueillir les 500 travailleurs du verre nécessaires pour suivre le rythme de la demande.
Charles Schneider a non seulement saisi le nouveau style Art déco, il a aidé à le façonner. Concepteur incroyablement prolifique, il passe souvent la nuit à dessiner de nouveaux modèles.
À mesure que la décennie avançait, les lignes devenaient plus pures et les décors plus géométriques. De nouveaux effets comprenaient une texture granuleuse et acidulée appelée criblée. Certains morceaux comportaient des bulles étirées qui font le verre semble tout à fait éthéré. Même aujourd’hui, il semble encore remarquablement moderne.
Signatures en verre Schneider
L’entreprise a utilisé trois marques : Schneider, Le Verre Français et Charder (une contraction de Charles Schneider). Le verre avec la signature Schneider tend à être plus sobre dans le style. Il reflétait le goût français, qui était relativement conservateur.
Les dessins Le Verre Français et Charder étaient plus exubérants et, plus souvent qu’autrement, coûtaient plus cher à réaliser. Ces gammes étaient populaires aux États-Unis, au Brésil et en Argentine.
Les pièces Early Verre Français sont parfois accompagnées d’un petit berlingot rouge, blanc et bleu, encastré dans le verre.
Verreries Schneider vs Degué
Le verre Schneider était une véritable expression des années folles, et il a dominé la scène du verre pendant plus d’une décennie. Mais vint ensuite le Wall Street Crash, et une bataille juridique paralysante avec David Guéron, le propriétaire des verreries Degué. Les frères Schneider accusent l’entreprise de plagiat flagrant de ses créations. En fin de compte, ils gagnent la cause, mais à ce moment-là la dépression avait déjà pris son péage. La verrerie Schneider, synonyme de luxe et de modernité depuis près de 15 ans, fait faillite en 1939.
Cristallerie Schneider, une renaissance d’après-guerre
Bien sûr, l’histoire ne s’arrête pas là. En 1949, avec l’aide de son père, Charles Schneider Junior et de son frère Robert-Henri, fonde la Cristallerie Schneider à Épinay-sur-Seine. Ils ont restauré la modernité du nom Schneider tout au long des années 1950 et 1960.
Robert-Henri, sculpteur de formation, est la force créatrice de l’entreprise. La jeune entreprise a produit des lampes sculpturales en cristal, des serre-livres et des pièces centrales en cristal de plomb, signées d’une signature gravée en écriture. Les formes étaient avant-gardistes, parfois agrémentées de minuscules bulles contrôlées.
Cristallerie Schneider était un digne rival de Daum France et les pièces rivalisent avec Daum dans le style et la qualité. Un incendie d’usine et la crise pétrolière ont conduit au déclin de la Cristallerie Schneider. L’usine ferme en 1981.
Méconnues jusqu’à récemment, les pièces de Cristallerie Schneider trouvent aujourd’hui la faveur auprès d’une jeune génération d’amateurs de design, peignant les Puces de Paris …